Visite des mines des Cévennes

Compte-rendu de la visite du 24 février 2023

Cette visite était consacrée à l’aventure industrielle des mines des Cévennes . Aventure arrêtée relativement récemment et où deux lieux de mémoire ont été organisés en souvenir . La maison des mineurs à La grand Combe près d’Alès avec le puits Ricard qui descendait à 800 mètres. Et la mine témoin recréée a Ales ,dans un cadre didactique et pédagogique, et permettant de déambuler dans des galeries de mine.

Nous allons commencer par une félicitation au groupe. 17 personnes étaient inscrites, et le matin à 10h, à la maison de la mine, tout le monde était là à l’heure et avec les parapluies ! Merci aussi à Bernard le local de l’étape qui nous a envoyé plein de renseignements judicieux et documentés avant cette visite.

De manière générale, il fallait après la guerre , reconstruire la France et un effort allait être demandé en particulier aux mineurs, pour fournir le charbon nécessaire au chauffage , au transport, à la production de courant électrique, bref à tous les secteurs de l’économie. Le record historique de production en France, est atteint en 1958 avec 59 millions de tonnes. La reconnaissance de cet effort sera très limitée et conduira à des grèves assez dures ou le gouvernement enverra l’armée. L’abandon du charbon, pour le pétrole (à l’époque, et avant le nucléaire !) se fera assez rapidement dans les années 70. Les mines du Nord , lieu de Germinal, ferment définitivement en 1990 après 270 ans de production. Et les dernières mines de Lorraine en 2004. Comme l’écrit Zola dans Germinal «  C’était fini, la bête mauvaise, accroupie dans ce creux, gorgée de chair humaine, ne soufflait plus de son haleine grosse et longue »

Et à la Grand Combe ? Dans les Cévennes protestantes et industrieuses ? La mine de la grand combe est une mine moderne qui débute son extraction en 1935 et l’achève en 1978. Oublions donc Germinal , et les enfants et les chevaux dans les mines. C’est une mine aux techniques modernes. Cette mine produisait de l’anthracite qui est un charbon de meilleure qualité que la houille. Il y aura jusqu’à 17000 habitants à la Grand Combe, aujourd’hui réduite à 4000 habitants avec beaucoup de chômage et de problèmes sociaux, et où le souvenir de la mine reste vivace.

La visite commence dans le grand bâtiment musée. On y voit la disposition des locaux sur le site industriel ( la plupart ayant été rasés depuis ) On y voit ensuite les différents types de lampes utilisées par les mineurs. Car il faut voir clair dans les galeries ! Ces lampes à acétylène fonctionnaient avec une flamme vive et très éclairante. Mais il y a dans les mines de charbon deux risques d’explosion. L’un lié aux émanations de méthane ( le fameux coup de grisou ) et l’autre lié à la poussière de charbon qui dispersée dans l’air constitue aussi un mélange explosif. Se promener avec une flamme devient donc dangereux ! Des lampes seront donc imaginées avec des grillages métalliques ou quartz qui empêchent la flamme intérieure d’allumer le mélange explosif gazeux extérieur. Le seul cas de grisou répertorié ici, sera lors d’une descente dans le puits en 1938, avec un nouveau type de lampe ( lampe Arras) où la vitesse de descente va « emballer » la flamme et produire ce coup de grisou qui tuera les deux personnes porteuses de ces lampes et produira de gros dégâts dans la mine.. On passera ensuite, dans les années 50, aux lampes électriques , fixées au casque avec batterie au plomb à la ceinture. D’autres dangers attendaient le mineur. Par exemple le CO2 et le manque d’oxygène. Les mineurs donnaient souvent les restes de leur repas à des rats assez familiers qui pouvaient les prévenir de ce genres de dangers et même, par instinct, des risques d’inondation ou d’éboulements. On utilisait pour le soutènement , un bois de pin qui « chantait », c’est-à-dire qui émettait certains bruits caractéristiques avant de s’effondrer.

Bref. On comprend que le métier de mineur était un métier dangereux, malgré l’amélioration permanente des régies de sécurité. C’était aussi un métier pénible. La température dans les galeries atteignait 45 °C On y travaillait donc huit heures, torse nu dans une humidité importante, avec un bruit général très fort à cause de la ventilation et de la mécanique générale ambiante ( rails, convoyeurs,..) et avec un marteau piqueur pneumatique de 10 ou 15 kg au bout des bras. Il faut ajouter a tout cela, la silicose, maladie due à l’accumulation dans les poumons de poussière de silice. Cette maladie conduisait à une calcification progressive des poumons et à une mort par asphyxie. Curieusement tous ces dangers faisaient que le mineur était fier de son travail. Lorsqu’il ne pouvait plus descendre au fond ( âge, fatigue, début de silicose, …), il avait parfois la possibilité d’ un travail en surface , sur le carreau, donc moins bien payé et moins « glorieux » C’est ce qui a conduit à l’expression «  rester sur le carreau »

La visite se poursuit dans le bâtiment musée, par l’endroit où le mineur se déshabillait et mettait ces affaires dans un panier qui montait au plafond, essentiellement pour des raisons d’encombrement et pour garder les affaires au sec. Car à coté c’est le local des grandes douches collectives (un luxe pour une époque où il n’y avait pas encore d’eau courante dans les maisons !). C’est là que les mineurs noirs de boue et de poussière, reprenaient forme et se savonnaient mutuellement les dos inaccessibles.

Nous allons ensuite apprécier sous nos parapluies la bonne pluie cévenole pour arriver au puits Ricard avec son ascenseur de descente. Le même ascenseur servait aux hommes ( 30 à la fois) ou aux remontées des wagons de charbon qui partaient vers la salle de tri. C’était le même ascenseur (appelé la cage) qui était utilisé pour le charbon ( 40 km/h) et les hommes (9 km/h). Il y avait environ 300 personnes par poste de 8h. Dans la salle de tri, des femmes triaient le charbon et les cailloux. Ces cailloux étaient envoyés dans un crassier formant une petite montagne pointue ( appelé terril dans le nord) qui reste en souvenir dans le paysage . Sous leur poids, ces cailloux qui contenaient un peu de charbon, continuent aujourd’hui à se consumer lentement à l’intérieur et des fumées en sortent, comme nous avons pu le constater en partant.

L’immense salle des machines montre l’ensemble des dispositifs permettant d’assurer descente et remontée de cet ascenseur et plus généralement le fonctionnement de l’ensemble des dispositifs nécessaires : compresseurs et circuits d’air comprimé vers la mine, circuits de ventilation pour assurer l’évacuation des gaz et le maintien de l’oxygène, circuits de pulvérisation d’eau pour entrainer les poussières de charbon, etc..

Après un retour sous le déluge, nous prenons congés du guide Élodie et des charmantes personnes faisant vivre à cette maison de la mine de la Grand Combe le souvenir de ces années et de cette aventure humaine et industrielle.

Le repas de midi, se déroulera à l’auberge du Fraissinet , à quelques kilomètres, qui ouvrait pour nous à cette occasion. Un menu à base de produits locaux ( fromage de chèvre , châtaignes, cèpes, …) va permettre de nous restaurer et de nous sécher devant un bon poêle à bois. Après cet excellent repas nous reprenons la route vers Ales et sa mine témoin.

La mine témoin d’Ales est un lieu pédagogique et didactique créé en liaison avec l’école des mines d’Ales, pour expliquer et montrer ce qu’était le travail dans les mines tant au niveau historique qu’au niveau technique.

On va donc retrouver un peu de Germinal, avec les enfants, et les chevaux dans les mines du 19ieme siècle. Le cheval était descendu par le puits, et vivait sa vie au fond de la mine. Il pouvait tirer jusqu’à cinq wagons. Les enfants et les femmes étaient employés à certaines tâches, et leur emploi n’y sera interdit qu’à la fin du siècle.

Les veines de charbon étaient identifiées par carottage. Puis un boute feu et son assistant, creusaient des trous dans la roche , qu’on remplissait de bâtons de dynamite. On pouvait ainsi avancer d’environ 1,5 mètres par jour vers la veine à exploiter. Il fallait au fur et a mesure étayer le conduit pour éviter son éboulement. On utilisait pour cela une essence de pin, qui a été beaucoup plantée à cet effet dans la région.

Lorsqu’on avait accès à la veine, chaque mineur se voyait attribuer en début de poste, une portion qu’il devait attaquer au marteau piqueur pour faire tomber le charbon dans le convoyeur qui allait l’entrainer vers les wagons. Sa paye était reliée à la quantité de charbon attribuée. S’il n’arrivait pas à finir, il pouvait continuer son poste ou se faire aider par d’autres mineurs.

On verra aussi dans cette mine témoin, les deux extrêmes : une exploitation familiale à l’équipement minimaliste, et une exploitation moderne où les mineurs sont remplacés par un extracteur mécanique relié au convoyeur.

Et voilà . A 17h nous avions terminé cette remontée dans le temps vers cette aventure industrielle , finalement récente, des mines des Cévennes. La vie était dure, mais collective, avec beaucoup d’entraide et de solidarité .Il y avait des fêtes, des bals et une fanfare municipale. Le kiosque à musique pour la fanfare a depuis été rasé avec la plupart des bâtiments des sites. Nous vivons maintenant dans un autre monde , mais qui ne doit pas oublier tout ce qu’il doit à cette génération d’ingénieurs et de travailleurs qui allèrent sous terre chercher notre énergie.

Références

  • La maison du mineur : contact [at] maison-du-mineur [point] com
  • La mine témoin d’Alès : contact [at] mine-temoin [point] fr
  • L’auberge du Fraissinet Les taillades (on vous la recommande !)
  • Relire sur Wikipedia la catastrophe de Courrières survenue en 1906, où un coup de grisou va se propager sur 110 km de galeries , faisant un bilan officiel de 1099 morts asphyxiés, brulés ou écrasés.